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TOUS LES BLEUS DE L'ENCHANTEUR
 

 
Chez Quilici, une gourmandise ? Non, c'est avidité qu'il faut accepter de percevoir chez lui, faim sans limite du bleu, du blanc avec des pointes de rouge, puis des ombres portées... et soudain le ciel n'est plus qu'une mer indigo qui s'écoule au long des rues vides. Soudain l'on croit comprendre : sous le soleil, ce soleil-là les chemins, les sentiers, les ruelles ne peuvent être que désertées, le temps des hommes est à la sieste, à la jouissance du frais derrière les volets clos.

Le seul à savoir piéger les heures crues de la chaleur, me répétais-je souvent, c'est Quilici. Du coup, de Mykonos à Ramatuelle. De Saint Tropez à Cadaquès, d'Alvor à Kaminia, toutes ces villes sur des rives, des ports, du sable, avant tout villes d'eau, de sel, d'air encalminés, offraient au regard les heures mortes de la pleine lumière.

Souvent , le peintre quitte l'eau pour la terre, celle des oliviers et des pins, celle d'un grésil se nourrissant à d'autres scintillations, nées du coeur blanc de la craie dans les Alpilles. Du coup, les bleus s'adoucissent, volent au soleil un rien de jaune pour parer les ifs de ce vert presque noir qui dénoncent dans le paysage leur flèche oscillante ! Des bleus qui n'ont pas oublié d'emporter un rien des clartés de la mer pour argenter les porteurs d'olive. Mais personne pour apparaître là, non plus.

Autres lieux. L'océan traversé drainé ses lenteurs lourdes, ses tourbillons de velours pour écraser d'ombres les pueblos du Mexique. Et toujours dans les rues en terre battue, d'Acoma à Santa Fé la désertion de l'humain...

Certes Quilici est comme on dit, paysagiste. Pourtant ..combien de fois me suis-je interrogés sans jamais d'ailleurs, quémander une réponse autour de ce...oui, de ce silence des villes et des villages sur leurs raisons d'être bâtis ? Pourquoi ne meublait-il pas d'humanité son « paysage », pourquoi, celui-ci malgré sa variété voyageuse, demeurait -il un lieu comme obnubilé par l'Absence ?

Ai-je fini par comprendre ? Sûrement pas, supposer seulement. Quilici pousse le regard puis ce qui « pense » derrière, à se persuader que ces rues, ces villages, ces maisons n'attendent que lui. Sa peinture ? Une patience, et derrière, pressante, une invite à courir la combler. Les toiles de Quilici ouvrent un territoire vierge à qui viendra non le conquérir, mais l' « habiter ».

Une preuve ? Les commentaires de ceux qui restent un long moment devant son travail, renseignent parfois mieux qu'un catalogue. Par exemple la réflexion d'une petite fille devant la vitrine d'une galerie. Douze ans arrêtés là, soudain, et qui résistent à l'injonction d'une mère pressée, qui grognent « laisse-moi donc voir ! « avant de murmurer », « ah, j'irais bien là ! » Et je suis certaine de l'avoir vue courir dans les rues de Cadaquès, envahir un rêve encore vierge qui espérait après elle depuis, sur la toile, la première touche du « bleu Quilici »...














Christiane Baroche



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